sommaire           texte sans réponses    

 

Étude de la moquerie chez Voltaire :              aller à la conclusion

 

Chapitre 13, lignes 35-44.

Voici ce que dit la vieille à Cunégonde pour lui conseiller d’épouser le gouverneur de façon à éviter les ennuis tout en gardant Candide en cachette :  

 

- Mademoiselle, vous avez soixante et douze quartiers, et pas une obole ; il ne tient qu’à vous d’être la femme du plus grand seigneur de l’Amérique méridionale, qui a une très belle moustache ; est-ce à vous de vous piquer d’une fidélité à toute épreuve ? Vous avez été violée par les Bulgares ; un Juif et un inquisiteur ont eu vos bonnes grâces : les malheurs donnent des droits. J’avoue que, si j’étais à votre place, je ne ferais aucun scrupule d’épouser monsieur le gouverneur et de faire la fortune de M. le capitaine Candide.

 

Observez la proposition subordonnée relative (PSR) surlignée.

1.     Est-ce que vous trouvez cette remarque drôle ?

On a l’impression que la réponse dépend des lecteurs. En réalité, il y a des critères de lecture qui permettent de répondre.

2.     Pouvez-vous dire tout de suite pourquoi cette PSR est drôle ?

Il n’est pas facile de répondre tout de suite à cette question. Voyons la suite.

 

Approfondissons :

3.     De quoi la vieille est-elle en train de parler ?

La vieille est en train de conseiller à Cunégonde d’épouser le gouverneur pour éviter les ennuis, car le gouverneur, qui est puissant, risque de vouloir la forcer. Elle utilise aussi un argument moral : Cunégonde a bien le droit de tromper un homme puisqu’elle a été abusée par plusieurs autres. Elle produit un discours argumentatif.

4.     Quel est le rapport entre la moustache du gouverneur et son discours ?

Il n’y a aucun rapport entre la moustache et cette argumentation.

5.     Où se situe la moustache ?

La moustache est un élément du visage.

6.     Que peut-on supposer si la vieille n’en parle pas ?

Lorsqu’elle parle de la moustache, la vieille produit un discours descriptif. On s’attend alors à ce qu’elle fasse le portrait du gouverneur. Or elle ne parle que de la moustache, et néglige le reste. C’est un portrait très incomplet, et un peu ridicule à cause de cela.

D’autre part, si elle parle d’une belle moustache sans parler du visage, cela laisse penser que le visage n’est peut-être pas beau. (au lieu de dire : « Il est bel homme. », elle dit : « Il a une belle moustache. »)

7.     Conclusion : comment le gouverneur est-il traité dans le discours de la vieille ?

Le gouverneur est décrit de façon surprenante par la vieille.

À l’intérieur d’un discours argumentatif, cette remarque descriptive ne correspond pas à ce que l’on attend d’un portrait, car elle ne cite qu’un détail. Cela ridiculise le personnage, qui n’est décrit que par sa moustache.

Ainsi le personnage du gouverneur n’est pas pris au sérieux, et cela contribue à rendre moins grave le fait qu’on le trompe.

  

CONCLUSION :                haut

L’effet comique provient d’un décalage entre ce que l’on attend (un portrait) et ce qu’on lit (seulement la moustache).

L’effet comique, chez Voltaire, produit le plus souvent une moquerie contre des personnages (la baronne, Pangloss), des idées (la religion, le racisme), des institutions (la justice, l’armée).

La moquerie sert à ridiculiser l’adversaire pour l’affaiblir. Une personne, une idée, une institution que l’on ne prend pas au sérieux ne sont pas crédibles, elles sont facilement attaquables, le lecteur se range du côté des rieurs, contre elles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

fin