Voltaire (1694-1778), Candide ou l'optimisme, 1759. questions
chapitre second : ce que devint Candide parmi les Bulgares.
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Candide, chassé du
paradis terrestre, marcha longtemps sans savoir où, pleurant, levant les yeux
au ciel, les tournant souvent vers le plus beau des châteaux qui renfermait la
plus belle des baronnettes ; il se coucha sans souper au milieu des champs
entre deux sillons ; la neige tombait à gros flocons. Candide, tout
transi, se traîna le lendemain vers la ville voisine, qui s’appelle
Valdberghoff-trarbk-dikdorff, n’ayant point d’argent, mourant de faim et de
lassitude. Il s’arrêta tristement à la porte d’un cabaret. Deux hommes habillés
de bleu le remarquèrent : « Camarade, dit l’un, voilà un jeune homme très
bien fait, et qui a la taille requise. » Ils s’avancèrent vers Candide et le
prièrent à dîner très civilement. - Messieurs, leur
dit Candide avec une modestie charmante, vous me faites beaucoup d’honneur,
mais je n’ai pas de quoi payer mon écot. - Ah !
monsieur, lui dit un des bleus, les personnes de votre figure et de votre
mérite ne payent jamais rien : n’avez-vous pas cinq pieds cinq pouces de
haut ? - Oui, messieurs,
c’est ma taille, dit-il en faisant la révérence. - Ah !
monsieur, mettez-vous à table ; non seulement nous vous défrayerons, mais
nous ne souffrirons jamais qu’un homme comme vous manque d’argent ; les
hommes ne sont faits que pour se secourir les uns les autres. - Vous avez
raison, dit Candide : c’est ce que M. Pangloss m’a toujours dit, et je vois
bien que tout est au mieux. On le prie d’accepter quelques écus, il les prend
et veut faire son billet ; on n’en veut point, on se met à table : - N’aimez-vous pas
tendrement ?... - Oh ! oui,
répondit-il, j’aime tendrement Mlle Cunégonde. - Non, dit l’un de
ces messieurs, nous vous demandons si vous n’aimez pas tendrement le roi des
Bulgares. - Point du tout,
dit-il, car je ne l’ai jamais vu. - Comment ! c’est
le plus charmant des rois, et il faut boire à sa santé. - Oh ! très
volontiers, messieurs ; et il boit. - C’en est assez,
lui dit-on, vous voilà l’appui, le soutien, le défenseur, le héros des Bulgares ;
votre fortune est faite, et votre gloire est assurée. On lui met sur-le-champ
les fers aux pieds, et on le mène au régiment. On le fait tourner à droite, à
gauche, hausser la baguette, remettre la baguette, coucher en joue, tirer,
doubler le pas, et on lui donne trente coups de bâton ; le lendemain il
fait l’exercice un peu moins mal, et il ne reçoit que vingt coups ; le
surlendemain on ne lui en donne que dix, et il est regardé par ses camarades
comme un prodige. |
QUESTIONS de lecture : haut
Réponses aux questions de lecture :
1
Ce texte
suit-il immédiatement le premier ? Que s'est-il passé ?
2
Qu'arrive-t-il à
Candide ?
3 Relevez et expliquez l'ironie dans ce texte.
QUESTIONS de langue : haut
4 Relevez dans le texte les
deux systèmes de temps.
5 À quelles parties du texte correspondent-ils ?
CONCLUSION : haut
6 Où se trouve ce texte dans le conte de Voltaire ?
7 À
quoi sert ce texte (quel est son objectif) ?
fin