SCAPIN, apporté
par deux hommes, et la tête entourée de linges,
comme s'il avait été bien blessé.
Ahi ! ahi ! Messieurs, vous me voyez... Ahi ! vous me
voyez dans un
étrange état. Ahi ! Je n'ai pas voulu mourir sans venir demander pardon
à toutes les personnes que je puis avoir offensées. Ahi ! oui,
Messieurs, avant que de rendre le dernier soupir, je vous conjure de
tout mon coeur de vouloir me pardonner tout ce que je puis vous avoir
fait, et principalement le seigneur Argante et le
seigneur Géronte. Ahi !
ARGANTE
Pour moi, je te pardonne ; va, meurs en repos...
SCAPIN,
à Géronte.
C'est vous, Monsieur, que j'ai le plus offensé par les coups de bâton
que...
GÉRONTE
Ne parle pas davantage, je te pardonne aussi.
SCAPIN
C'a été une témérité bien grande à moi que les coups de bâton que je...
GÉRONTE
Laissons cela.
SCAPIN
J'ai, en mourant, une douleur inconcevable des coups de bâton que...
GÉRONTE
Mon Dieu, tais-toi.
SCAPIN
Les malheureux coups de bâton que je vous...
GÉRONTE
Tais-toi, te dis-je, j'oublie tout.
SCAPIN
Hélas ! quelle bonté ! Mais est-ce de bon coeur, Monsieur, que vous
me
pardonnez ces coups de bâton que...
GÉRONTE
Eh ! oui. Ne parlons plus de rien ; je te pardonne tout :
voilà qui est
fait.
SCAPIN
Ah ! Monsieur, je me sens tout soulagé depuis cette parole.
GÉRONTE
Oui ; mais je te pardonne à la charge que tu mourras.
SCAPIN
Comment, Monsieur ?
GÉRONTE
Je me dédis de ma parole si tu réchappes.
SCAPIN
Ahi ! ahi ! Voila mes faiblesses qui me reprennent.
ARGANTE
Seigneur Géronte, en faveur de notre joie, il faut lui pardonner sans
condition.
GÉRONTE
Soit.
ARGANTE
Allons souper ensemble pour mieux goûter notre plaisir.
SCAPIN
Et moi, qu'on me porte au bout de la table, en attendant que je meure.
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